Assiégé, malgré ses propositions pour garantir l’accessibilité et la qualité de notre système de santé, malgré celles pour en améliorer la gestion et l’efficience, malgré son implication dans la pandémie, malgré la pénurie qui s’annonce, le corps médical est assiégé.
Individuellement reconnus par leurs patients, les médecins sont collectivement devenus les victimes expiatoires de tous les maux, particulièrement de l’apparente explosion de ses coûts 1. Nous sommes opportunément livrés à la vindicte populaire, intoxiquée par les reprises médiatiques hasardeuses de données tronquées et de prophéties hasardeuses. Lorsqu’un docteur en économie fait mine de confondre le chiffre d’affaires des cabinets médicaux avec les revenus de ceux qui y exercent, le signal est donné2. C’est pour tenter de lutter contre l’exploitation spécieuse des flots de chiffres chiffrés qui nous inondent, que la Présidente de la Société Médicale du Valais fait activement campagne pour une meilleure littératie des données : la capacité à collecter, gérer, évaluer et intégrer les données de manière critique3.
Assiégés par un choix partisan de mesures issues de celles proposées en 2017, mises en discussion au parlement et qui visent à instaurer, sans oser l’assumer clairement, un rationnement des prestations prises en charge par l’assurance maladie obligatoire des soins (AOS) 4.
Assiégés par la mise en œuvre implacable des nouvelles dispositions de la limitation d’admission à pratiquer à charge de l’AOS. Jointes à la volonté des cantons Romands d’administrer désormais la formation post-graduée, sans une collaboration organisée avec nos associations professionnelles, ces mesures anticycliques aggraveront rapidement la pénurie médicale qui se fait déjà cruellement sentir dans de nombreux domaines 5.
Assiégés par les contrôles systématiques des factures, qui réduisent aussi inexorablement le temps à disposition pour les consultations que celle du temps de travail de la génération Y, ce pusillanime administratif accélère le départ en retraite de la génération X et risque fort de décourager la génération Z de se lancer dans de longues études de médecine.
Assiégés par le développement des autres professions de la santé qui obtiennent légitimement le droit de facturer leurs prestations à charge de l’AOS, mais dont la volonté parfois limitée de vouloir en assumer la responsabilité pourrait paradoxalement augmenter la charge des médecins appelés à l’assumer sous délégation.
Assiégés par le kafkaïsme administratif. Refus de financer la mise en œuvre des conventions qui définissent les mesures de développement de la qualité découlant de l’entrée en vigueur de l’art. 58a LAMal en avril 2021, par suite d’une modification des règles du jeu par le Conseil Fédéral qui considère que ces développements sont déjà compris dans les prestations remboursées par l’AOS6.
Depuis le 1er janvier 2022, les médecins n’obtiennent un droit de facturer à charge de l’AOS que s’ils fournissent un document attestant qu’ils répondent à ces exigences de qualité.
Si le siège tombe, c’est nous qui en serons tous victimes !
C’est un rationnement des soins et une médecine à deux vitesses qui découleraient de l’instauration dans la LAMal d’un plafond des dépenses sous forme d’un budget global où d’une enveloppe budgétaire. Il trahirait ainsi l’esprit et l’intention de couverture sociale universelle qui avaient prévalu à son instauration – un rationnement lui-même aggravé par la pénurie instrumentalisée par les mesures anticycliques sur la limitation des admissions. Les zélateurs voueront alors à la vindicte populaire celles et ceux qui auront l’audace et/ou la capacité de financer eux-mêmes les prestations ainsi doublement rationnées. C’est bien pour tenter de pérenniser, autant que faire se peut encore, l’accessibilité et la qualité des prestations et des soins qui reste une des meilleures du monde 7, que nos associations professionnelles font et continueront à faire des propositions concrètes et constructives, même si le dessein d’aucun devait s’en trouver contrarié 8-9.
Références